Altered Carbon
(Altered Carbon)
L'histoire
Le soldat Takeshi Kovacs est le seul survivant d'une troupe d'élite interstellaire tombée lors d'un soulèvement contre le nouvel ordre mondial. Son esprit est emprisonné dans la glace pendant plusieurs siècles, jusqu'au jour où Laurens Bancroft, un riche magnat, lui offre la chance de vivre à nouveau. En échange, Kovacs doit résoudre un meurtre, celui de Bancroft lui-même…
Le petit mot de Prof SF
Présentée comme la série la plus chère de l’histoire, ALTERED CARBON (soit « Carbone modifié » en français) était très certainement l'un des programmes les plus attendus par les fans de science-fiction en ce début d'année 2018. Sortis en février sur la plate-forme de diffusion Netflix, les dix épisodes que constituent cette première livraison sont un mélange de hard science, de polar et d'érotisme censé ravir le plus intransigeant des spectateurs. Pourtant, malgré des qualités évidentes et l'annonce d'un carton d’audience sur la plate-forme de VOD américaine, cette série possède des défauts de construction et de narration qui empêchent d’adhérer totalement au projet.
Dans un futur où les humains peuvent transférer leur esprit d'un corps à l'autre, Takeshi Kovacs, un rebelle, ancien soldat et tueur d'élite, est ramené à la vie 250 ans après sa mort pour résoudre le meurtre vicieux de l'homme le plus riche du monde – en même temps que l'un des plus vieux – , en échange de sa liberté. Pour y parvenir il devra trouver des alliés – comme un inspecteur de police ou une intelligence artificielle gérante d'un hôtel – mais retrouvera sur sa route un ennemi qu'il n'avait pas envisagé…
A la base de cette série en passe de devenir culte, plusieurs romans de Richard Morgan (paru aux éditions Bragelonne en France) semblaient pourtant inadaptables. Ces œuvres littéraires de qualité – et dont le thème principal aborde brillamment la question de l’identité – proposaient un univers peuplés de figures multiples et de voyages temporels qui semblaient difficilement transposables sur le petit écran, à moins de finances stratosphériques. Dans ces conditions, l’annonce du lancement de la production de la série par le géant Netflix, fut une énorme surprise mêlée d’une attente insurmontable pour les aficionados de l’œuvre littéraire de Morgan. Et pour amplifier l'attente due à l'alléchante promesse de voir enfin les aventures de Takeshi Kovacs en « live », la production engagea quelques éléments importants censés bonifier le projet. Confiée aux bons soins de la productrice Laeta Kalogridis – connue pour avoir travaillé notamment sur AVATAR, SHUTTER ISLAND, TERMINATOR GENISYS et surtout sur le très très attendu ALITA: BATTLE ANGEL – le pilote de ce feuilleton composé de dix parties d’inégales longueurs, est tourné par le réalisateur Miguel Sapochnick, brillant maître d’œuvre du fameux épisode BATTLE OF THE BASTARDS de la série GAMES OF THRONES.
D'un autre côté, certainement handicapée par un budget pharaonique nécessaires aux effets spéciaux et aux décors, la production préféra miser, pour le casting, sur des acteurs à petite renommée. Ainsi, pour le rôle du tueur Takeshi Kovacs, fut engagé l’acteur amériano-suédois Joel Kinnaman, connu pour avoir tourné dans THE KILLING de 2011 à 2014 avant d’entamer une carrière hollywoodienne en jouant dans ROBOCOP en 2014. Comme partenaire, celui qui a également eu un rôle important dans HOUSE OF CARDS, retrouve l’actrice mexicaine Martha Higareda, dont la carrière outre-Atlantique n’a, comme seul fait de gloire, qu’un rôle dans AU BOUT DE LA NUIT avec Keanu Reeves.
Du côté des seconds rôles, la soeur et ennemie du héros est interprétée par Dichen Lachman, une actrice entrevue dans de nombreuses séries comme THE 100, MARVEL : LES AGENTS DU S.H.I.E.L.D., SHAMELESS, THE LAST SHIP ou encore SUPERGIRL. Enfin, pour interpréter l’employeur du héros, la production engagea James Purefroy, un acteur britannique très remarqué pour son rôle de Marc Antoine dans la prestigieuse série ROME. Bref, des acteurs assez peu renommés mais quelques techniciens de qualité, engagés pour faire des romans de Morgan un univers visuel unique et identifiable...
A première vue, le pari semble réussi : une séquence introductive violente et spectaculaire et un réveil du héros dans un autre corps que le sien purement anxiogène. Du cyberpunk gore, du space opéra érotique, une ambiance à la BLADE RUNNER... bref sans prétendre être la série philosophique du siècle, ALTERED CARBON peut s'envisager impressionnante pour des fans acquis à la cause sans toutefois mettre de côté les autres spectateurs et ainsi laisser une empreinte dans le milieu télévisuel.
Mais, la bonne impression d’ensemble s’atténue rapidement : l’histoire, pourtant brillamment narrée dans le roman originel, s’enlise dans de multiples branches inutiles – la famille de l’inspecteur Ortega est, par exemple, de trop – et tarde à se recentrer sur un thème majeur. Car le meurtre original dont notre héros doit trouver le coupable n’est que le point de départ d’une histoire plus complexe et plus intéressante mais qui ne trouve son exploitation que dans les deux derniers volets. En outre, la notion d'identité est ici laissée de côté au profit d'une « réflexion » sur les relations fraternelles, qui trouve son opposition face aux relations amoureuses. Absent du roman de base – et pour cause le méchant du roman devient dans la série télévisée un parent du héros – ce thème n'est toutefois pas l’intérêt majeur d'une œuvre plus proche d'un blockbuster hollywoodien que d'un film d'auteur européen.
Survitaminé, ALTERED CARBON propose donc, au final, un solide divertissement sans prétention mais loin d'être le chef d’œuvre annoncé. Handicapé par un casting relativement fade, par des personnages mal définis – même pour le héros Takeshi Kovacs – et une réalisation sans éclat, cette série annoncée en grandes pompes nous doit une revanche. Alors, si l'indulgence prévaut au regard d'un spectacle pas honteux mais périssable, les critiques devraient devenir plus ardentes en cas de deuxième livraison – une saison 2 est en cours de production – aussi insipide.
24 mars 2018