La Semence de l'homme

(Il seme dell'uomo)

 L'histoire

Dora et Cino ont survécu à une étrange peste dont on ignore l'origine. Ils trouvent refuge dans une maison au bord de la mer. Lui récupère des morceaux de la civilisation détruite pendant qu'elle s'occupe de leur survie. Il voudrait des enfants car l'humanité doit perdurer. Elle s'y refuse...

Dora et Cino trouvent refuge dans villa ouvrant sur une magnifique plage. - La Semence de l'homme (Il seme dell'uomo)
Dora et Cino trouvent refuge dans villa ouvrant sur une magnifique plage.

Le petit mot du Doc

Ce drame post-apocalyptique du réalisateur italien Marco Ferreri trouve sa source dans un conflit mondial sur lequel on ne s'étend pas. Toujours est-il que l'humanité est sur le point de mourir et qu'un fléau qui frappe à la vitesse de l'éclair, une sorte de peste sans nom, balaye la terre. L'histoire suit celle d'un jeune couple, de sa survie, de son amour, loin des tensions mondiales.

Dora et Cino trouvent refuge dans une belle villa abandonnée par son propriétaire (Marco Ferreri qui fait ici un caméo en maître des lieux… sans vie) ouvrant sur une magnifique plage. Adam et Eve au jardin d'Eden en quelque sorte. Tandis que Dora veille à la survie matérielle du couple, Cino passe son temps à reconstruire la mémoire de l'humanité, en identifiant les vertus thérapeutiques des plantes et en collectionnant les objets les plus divers et variés : une tomme de parmesan, une montre, un réfrigérateur, mais aussi quelques clichés du film de Kubrick : 2010 L'ANNEE DU PREMIER CONTACT (1984)... Leur seule visite sera celle d'une caravane administrative qui recense les survivants (au passage, ces représentants publics nomment Cino conservateur de son musée) et rabâche au couple son devoir de procréer.

Ange... - La Semence de l'homme (Il seme dell'uomo)
Ange...

C'est justement le désir de Cino que d'avoir un enfant. Pour assouvir son aspiration à devenir père d'abord, mais aussi dans l'idée sage de concourir au repeuplement de la Terre. Une idée que refuse catégoriquement Dora qui semble préférer une idylle platonique. Qu'à cela ne tienne. Si ce ne peut être avec Dora, ce sera avec une étrangère qui passe par là, jouée par Annie Girardot. Mais le ménage à trois n'est pas du goût des deux femmes. Et cette rivalité se termine tragiquement pour la nouvelle venue. Aux thèmes récurrents chez Ferreri, les femmes, le couple, le sexe, s'adjoint celui de la survivance, sur fond du patriotique et nostalgique "Choeur des esclaves hébreux" de Giuseppe Verdi qui sied au film.

...ou démon ? - La Semence de l'homme (Il seme dell'uomo)
...ou démon ?

Bien sur, nous ne sommes pas là en présence d'un blockbuster américain. L'action y est absente, les dialogues sont rares, les mouvements de caméra sont longs et réfléchis... Cet exemple : Dora et Cino empruntent un tunnel qui n'en finit pas, laissant les acteurs et le spectateur dans le noir pendant 63 secondes avec la question "en verra-t-on le bout ?", au sens propre comme au sens figuré. Manière intelligente de marquer une frontière nette entre deux mondes, celui d'avant la catastrophe et la vie nouvelle qui attend notre jeune couple. L'autoradio même scelle ce changement. Tout est dans le symbolisme, tel celui du dirigeable qui n'en est pas un et qui s'avère être une grosse bouteille de coca-cola gonflée à l'hélium. Non seulement les espoirs que l'on vienne les secourir s'envolent, mais Dora et Cino ne parviennent pas non plus à attraper ce ballon que le vent renvoie au large ; bouteille qui symbolise la société dans toute sa splendeur telle qu'elle était avant l'apocalypse et qui leur échappe. La baleine qui s'échoue est un autre de ces symboles, toujours pessimiste, qui fait penser que même les êtres les plus puissants sur terre sont condamnés. Pessimisme qui perdure jusqu'au final du film qui ruine en un claquement de doigts une soudaine lueur d'espoir.

D'un autre côté le film révèle des moments plus crus, tel Dora qui découpe à la hache l'étrangère pour en nourrir Cino qui croit cette dernière partie. Ou plus glauques, comme ce médecin, la blouse maculée de sang comme un boucher, qui tente de réanimer sans y mettre trop les formes une victime de surcroit dénudée. Ferreri n'a pas non plus peur du politiquement incorrect en filmant un bus rempli de cadavres de jeunes enfants ou en donnant un air complaisant aux militaires qui "jouent" du lance-flammes pour incinérer tout ce beau monde. Tout le monde en prend pour son grade, y compris l'administration dont il fait la satire.

Pour marquer le conflit entre les nations, sans toutefois s'épancher sur son origine ni sur ses belligérants, le film fait un usage non modéré d'images d'archives de la 2ème guerre mondiale et de celle du Vietnam. Celles-ci, en noir et blanc, contrastent totalement avec le sentiment de paix qu'offre la pellicule en couleur sur fond de nature bienveillante. Contraste si prononcé qu'elles en sembleraient inappropriées. Mais tel est le choix fait par le réalisateur.

Un espoir s'envole - La Semence de l'homme (Il seme dell'uomo)
Un espoir s'envole

Dans cette production 100% italienne, Annie Girardot fait une apparition rapide mais importante aux côtés de nos deux jeunes acteurs, Marco Margine dont ce sera l'unique film et la belle et déjà expérimentée Anne Wiazemsky, alors épouse de Jean-Luc Godard et petite fille de l'écrivain François Mauriac. Les deux actrices se retrouveront la même année dans LA BANDE A BONNOT (1969) de Philippe Fourastié avec Jacques Brel et Bruno Cremer.