L'oasis des tempêtes

(The Land Unknown)

 L'histoire

Désigné par le gouvernement américain, en tête de pont d’une importante expédition navale, trois militaires et une journaliste spécialisée dans l’étude des pôles, survolent l’Antarctique en hélicoptère. Le commandant Harold Robert, le lieutenant Jack Carmen, le pilote Steve Miller et la reporter Margaret Hathaway ont pour mission, en dehors des relevés géographiques et météorologiques, de trouver une région décrite par l’explorateur Bird en 1947 : une zone à la température particulièrement élevée.

Leur appareil est malheureusement emporté par une tempête, puis agressé, au cours d’une chute vertigineuse, par un énigmatique et gigantesque animal volant. L’hélicoptère fini par se poser en catastrophe dans un paysage stupéfiant, qui présente bien des caractéristiques d’un monde disparu depuis des dizaines de millénaire : l’ère secondaire.

Robinsons Crusoë aux milieux des dinosaures, ils et elle vont devoir faire preuve de tout leur courage, de beaucoup sang froid et d’imagination pour échapper au piège du temps… D’autant que, lorsqu’ils pensent avoir trouvé le moyen de réparer leur hélicoptère, apparaît un homme survivant d’un précédent accident ; et il ne leur veut pas forcément du bien…

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Le petit mot de Francis SCHALL

Continent de tous les extrêmes, l’Antarctique a bien sûr fasciné Hollywood, mais aussi le monde entier. Un premier film documentaire, anglais, lui est consacré dès 1898 par la British Mutoscope & Biograph Company : Antarctic Expedition ; suivit de nombreux autres au fil des diverses expéditions parties à sa découverte.

Au départ, la Universal avait prévu un budget important et un tournage en scope couleur, dirigé par Jack Arnold, et incluant nombre de vedettes de l’époque. Le réalisateur de L'ÉTRANGE CRÉATURE DU LAC NOIR (autre récit de créature survivante à travers les millénaires) travaillait déjà sur la pré-production quand le studio décida de changer son fusil d’épaule et de ramener le film au niveau d’une série B (tout en conservant le Cinémascope, mais en noir et blanc… ce qui fait finalement tout son charme !). Du coup Arnold abandonna le projet, et la Universal de se rabattre sur un de ses réalisateurs sous contrat : Virgil W. Vogel.

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Virgil W. Vogel (1919–1996) débuta dans le cinéma, au tout début des années 50 et justement à la Universal en tant que monteur. Il œuvra sur une vingtaine de films dont : DEUX NIGAUDS ET L'HOMME INVISIBLE de Charles Lamont (1951), LES SURVIVANTS DE L'INFINI de Joseph M. Newman (1955) et surtout, brillamment, sur le sombre et magnifique LA SOIF DU MAL d'Orson Welles (1958).

Deux ans avant le film de Welles, il était passé à la mise en scène avec un film peu vu mais passionnant (malgré ses petits moyens : 200,000 $) LE PEUPLE DE L'ENFER (connu aussi parfois sous son titre belge : MENACES SOUS LA TERRE). Premier film, premier succès avec (déjà !) une histoire se déroulant dans les profondeurs de la terre (dans L'OASIS DES TEMPÊTES, les explorateurs descendent à moins 900 mètres sous la surface de l’Antarctique …), et ses étranges hommes-taupes. Il tournera encore deux films dont, en 1959 un RYMDINVASION I LAPPLAND, titre original suédois (aux USA : INVASION OF THE ANIMAL PEOPLE), coproduction suédo-américaine se déroulant… en Suède, où un faux météore cache un vrai vaisseau spatial d'extraterrestres envahisseurs... Mais Vogel s’est surtout spécialisé dans les séries dont il réalisera des dizaines d’épisodes, les visitant presque toutes, de BONANZA, à MISSION IMPOSSIBLE, en passant par SUPERCOPTER, TONNERRE MÉCANIQUE, MAGNUM, L'HOMME DE L'ATLANTIDE, etc.

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Côté interprétation, on retiendra (quoique le personnage soit sans grande originalité) l’acteur Jock Mahoney (1919–1989), qui à ses débuts fut cascadeurs. Après participation à de nombreux westerns, il créa un Tarzan très crédible dans TARZAN LE MAGNIFIQUE de Robert Day (1960), TARZAN AUX INDES de John Guillermin (1962), puis LE DEFI DE TARZAN, de nouveau de R. Day (1963), avant la série télé TARZAN (1966-1967)... mais où il n'était plus l'interprète du personnage d’Edgar Rice Burroughs. Il apparaîtra ensuite dans la série BATMAN, de 1966 à 1968.

Le scénario de L'OASIS DES TEMPÊTES s’inspire d’une observation qu’aurait faite l’amiral Bird au cours d’un vol au dessus du continent glacé en 1947 : une zone à température élevée et un lac d’eau chaude… A partir de là, les scénaristes s’en donnent à cœur joie et imaginent, en profondeur, un lieu ayant préservé un espace du Mésozoïque (l’ère secondaire).

Excellent cinémascope noir et blanc, aux ambiances de monde perdu parfaitement réussies, grâce en particuliers à des décors très travaillés et à des fonds peints convaincants, le film est une remarquable production du genre qui, depuis LE MONDE PERDU d’Harry Hoyt (1925) et le KING KONG d’Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper (1933), ont fait la joie des amateurs ! Il faudra néanmoins être indulgent concernant les reptiles géants car, du tyrannosaure Rex (un homme sous une combinaison), au plésiosaure à la nage trop mécanique (ah ! voir un dinosaure nager le crawl…), en passant par les inévitables varans, bien réels ceux-ci, tournés en gros plan, si le spectateur ne se laisse pas emporter par l’histoire, il risque plusieurs fois d’éclater de rire.

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Quoiqu’il en soit, le long métrage de Virgil W. Vogel, plein de rebondissements et de photos splendides nous offre un spectacle sans ennui et un vraie aventure de science-fiction ; le film, devenu culte, fit pendant des années le bonheur des salles spécialisées parisiennes, dont le célèbre « Midi-Minuit ».

Une morale est proposée au cours des dialogues : "Si, en vivant parmi les monstres on n'en devient un, on ne peut vivre parmi les êtres humains sans être influencé par l’humanisme."

Francis Schall

02 septembre 2012