La nuit de la grande chaleur

(Night of the Big Heat)

 L'histoire

Au mois de novembre, une surprenante vague de chaleur touche l'île britannique de Fara, habituellement battue par les vents. Cette canicule inaccoutumée perturbe animaux et végétaux. Jeff Callum, un écrivain propriétaire de l'auberge du "Cygne Blanc", et d’autres habitants de l’île, s'interrogent sur les causes de ce bouleversement climatique.

Callum, empêtré dans une aventure extra conjugale, est d’autre part intrigué par le comportement d'un de ses clients, Hanson, qui se dit chercheur. Ses soupçons s’intensifiant, l’hôtelier force sa porte et découvre dans la chambre du mystérieux personnage un véritable laboratoire.

Après bétail décimé, quand les morts commencent à s’accumuler, Hanson ne peut que s’expliquer. Il révèle sa théorie à Callum, et à ceux qui veulent bien l’entendre : il soupçonne que ceux qui sont à l'origine de l'insupportable canicule et de ces évènements tragiques sont des extraterrestres qui se préparent à envahir la Terre. La plupart ont du mal à le croire. Et quand les faits dramatiques s’accélèrent, il est presque trop tard…

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Le petit mot de Francis SCHALL

Le film est l'adaptation d'un roman de John Lymingtom, déjà tourné pour la télévision anglaise en 1960 : NIGHT OF TH BIG HEAT de Cyril Coke. Après THE EARTH DIES SCREAMING (1964) et L'ÎLE DE LA TERREUR (1966), c'est le troisième film de science-fiction réalisé par Terence Fisher pour la compagnie britannique Planet Film, chez qui il fait une brève infidélité à la Hammer Films, dont il a été le pilier central. Pour cette célébrissime société de production anglaise il a tourné cinq versions du mythe de Frankenstein depuis, en 1957, FRANKENSTEIN S'EST ECHAPPE avec Peter Cushing, et Christopher Lee. Ce film qui véritablement a lancé la légende Hammer, studio qui révolutionna le cinéma d’épouvante dans les années 50-60. Ces versions incontournables sont : LA REVANCHE DE FRANKENSTEIN (1958), FRANKENSTEIN CREA LA FEMME (1967), LE RETOUR DE FRANKENSTEIN (1969), et FRANKENSTEIN ET LE MONSTRE DE L'ENFER (1974), tous avec Peter Cushing dans le rôle du docteur.

On doit à Terence Fisher une autre adaptation d’un classique de la littérature de science-fiction : LES DEUX VISAGES DU Dr. JEKYLL, (1959) avec Paul Massie, Dawn Adams, et Christopher Lee. Et un autre film proche de la SF : L'HOMME QUI FAISAIT DES MIRACLES (1959) (avec Anton Diffring, Hazel Court et Christopher Lee), un sujet qui mêle les thèmes de Frankenstein et des Récupérateurs de cadavres, en mettant en scène un docteur qui découvre le moyen d’atteindre à l’éternité en utilisant des greffes d'organes prélevés sur des victimes peu consentantes...

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La trilogie de SF de Terence Fisher pour Planet Film n’a ni la force ni la qualité de ses oeuvres tournées pour la Hammer Film. On sent un manque de moyen (c’est parfois peu dire...) et, sans doute, un domaine où le réalisateur est moins à l’aise que dans ses grands films gothique : indéniablement il est plus séduit par des histoires d’un autre temps (l’Angleterre victorienne de préférence) que par des décors contemporains. D’ailleurs quand Hanson/Christopher Lee évoque les envahisseurs et tente des explications scientifiques… on sourie largement ! L'argument scénaristique emprunte beaucoup à la vogue de films américains d’invasion extraterrestre des années 50. On retrouve dans ces trois films une constante : lieux isolés et intérêt axé sur une micro-population. La structure de LA NUIT DE LA GRANDE CHALEUR (des humains sont assiégés sur une île par des organismes très dangereux...) est d’ailleurs très proche de celle de L'ÎLE DE LA TERREUR. Plus que sur les dangers venus d’ailleurs qui la menace, c’est le fonctionnement de cette petite communauté et ses membres qui intéresse Terence Fisher, qui brosse parfois d’intéressants portraits (et, la mode aidant, dénude sagement quelques belles). Du coup, pendant la première moitié du film, la partie raid alien est tout juste évoquée, le scénario restant centré (avec plus ou moins d'intérêt) sur les problématiques matrimoniales de l'écrivain interprété par Patrick Allen, de sa femme et de sa secrétaire/maîtresse. Résultat, pendant près d’une heure, le film joue prioritairement sur les dialogues et le jeu des acteurs ; pourtant les réalisateurs, scénaristes et dialoguistes parviennent avec cette option à installer une certaine tension psychologique. La nuit de la grande chaleur nous fera néanmoins attendre jusqu’à la fin pour une soudaine dose d’action, et ce final est (malgré le peu de moyen déjà signalé) plutôt nerveux et opérant.

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Anecdote : non satisfait des scènes gentiment « chaudes » du film, le distributeur français Empire Distribution, sûrement pour s'assurer un autre public, tournera des séquences érotiques dont il pimentera le métrage. Voilà accouché un nouveau film où, à l'exception de ses deux vedettes féminines, Sarah Lawson et Jane Merrow, aucun autre nom de la distribution ou de l'équipe technique ne figurèrent à l'affiche. J’ignore ce que Peter Cushing et Christopher Lee ont pu en penser…

Fisher retrouve donc avec LA NUIT DE LA GRANDE CHALEUR Christopher Lee et Peter Cushing (dans un petit rôle), ses deux interprètes les plus célèbres. Plus que son collègue Peter Cushing, Christopher Lee a fréquenté le cinéma de science-fiction et souvent pour de grand rôle. Mais il est d’abord connu pour la légendaire figure de Dracula lors de son renouveau britannique dans les années cinquante et soixante à la Hammer Films ; il est aussi la créature du Docteur Frankenstein et fut également le « génie du mal » Fu-Manchu.

Peter Cushing est un des acteurs phare de la Hammer Films avec Christopher Lee et Vincent Price. Et, pour le studio anglais, un des plus célèbres docteur Frankenstein. On a tendance à le cantonner dans le registre des films d’horreur ou de fantastique, mais il apparaît néanmoins dans nombreuses productions de SF, et non des moindres ! Il est notablement le seul Docteur Who du cinéma : Dr. WHO CONTRE LES DALEKS (1965) et LES DALEKS ENVAHISSENT LA TERRE (1966), tout deux de Gordon Flemyng. Notons que Peter Cushing, qui est le centre de l’affiche italienne de LA NUIT DE LA GRANDE CHALEUR, n’a en fait qu’un petit rôle de docteur dans ce film et disparaît assez vite, victime des aliens...

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A leurs côtés, jouent Patrick Allen remarqué dans LE CRIME ETAIT PRESQUE PARFAIT (1954) d'Alfred Hitchcock, et QUAND LES DINOSAURES DOMINAIENT LE MONDE (1970) de Val Guest... ; ainsi que Jane Merrow, actrice entre autres dans LE LION EN HIVER (1968) de Anthony Harvey et LA FILLE DE JACK L'EVENTREUR (1971) de Peter Sasdy.

Le cinéma fantastique anglais des années 1960 évoque d’abord les ambiances gothiques de cette période, mais il ne faut pas oublier les films de science-fiction d’alors ! Avant de produire ses classiques de l'épouvante la Hammer occupera le domaine de la science-fiction avec la série mettant en scène le professeur Quatermass contre des extra-terrestres (LE MONSTRE - 1955 et LA MARQUE - 1957 de Val Guest), ou X THE UNKNOWN (1956) de Leslie Norman. D'autres classiques de la SF britannique sont de belles réussites, comme : LE VILLAGE DES DAMNES de Wolf Rilla (1960) avec George Sanders, LES DAMNES (1963) de Joseph Losey ; LE JOUR OU LA TERRE PRIT FEU (1961) de Val Guest, et LES PREMIERS HOMMES DANS LA LUNE (1964) de Nathan Juran, avec des effets spéciaux de Ray Harryhausen...