Mega Snake

(Mega Snake)

 L'histoire

En 1986, dans l’Est du Tennessee, les Daniels sont membres d’une congrégation marginale, l’« Eglise du feu sacré du Christ » ; celle-ci propose de côtoyer les serpents comme preuve imparable de la justice et de la colère de Dieu : si tu as la foi tu n’es pas mordu… Or, pendant une cérémonie, à cause de la peur de son plus jeune fils Lester, Hewlett, le père se fait mordre et meurt.

Vingt ans plus tard, Lester et son frère Duff vivent toujours avec leur mère. Le premier est garde au Parc National, le second se passionne inlassablement pour les serpents. Un jour qu’il visite le magasin spécialisé de l’Indien Kitawa ou Faucon hurleur, celui-ci montre à Duff un spécimen unique : l’Unteka, survivant d’une espèce qui décima jadis sa tribu. Malgré les recommandations pressantes du Cherokee (ne jamais laisser sortir la bête du bocal, ne jamais le laisser manger une créature vivante, et surtout cet étrange « ne pas avoir peur de son cœur ») et qui refuse de lui vendre, Duff vole le bocal et son (encore) minuscule occupant. Mais, à peine rentré, le chat de la maison, fort joueur, fait tomber le récipient qui logiquement se brise et l’ophidien s’enfui rapidement… non sans avoir absorbé le félin domestique.

Du domicile des Daniels à leur poulailler, il n’y a que le temps de quelques reptations : toute la basse-cour passe dans l’estomac du serpent. Qui du coup commence à atteindre une taille respectable. Et l’envie d’aller voir ce qui se passe dans la nature… C’est le début d’un massacre qui croie en même temps que la longueur de la bête…

Il revient maintenant à Les, à son ancienne petite amie Erin, assistante du shérif du coin, et à Faucon hurlant d’arrêter l'Unteka et de sauver la population locale.

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Le petit mot de Francis SCHALL

Dans les films d’attaques animales, les racines sont diverses : souvent elles sont d’ordre fantastique (LA FELINE, CUJO, CATS, etc.) mais parfois elles ont des causes scientifiques : pollutions souvent, manipulations génétiques (PEUR NOIRE), ou révolte de la nature (ANACONDA, LE PRÉDATEUR et ses nombreux clones).

Avec Mega Snake, nous restons dans le flou. Même si nous avons un personnage d’indien Cherokee qui raconte un épisode de l’histoire de son peuple, nous ne sommes pas dans la légende mais dans des faits historiques… Tout se passe un peu comme dans le chef-d’œuvre du genre, LES OISEAUX d’Alfred Hitchcock1 : les faits sont là, point d’explication. On se doute nécessairement qu’ici cela tient d’une profonde irritation de la nature, et que le serpent géant est une des représentations de son courroux. Une forme de rébellion écologique en somme, ainsi que nous le montrait déjà en 1978 l'Australien Colin Eggleston avec son métaphorique LONG WEEK-END (1978 - Pat Holden fit un remake en 2005).

Voici une nouvelle fois Tibor Takács en metteur en scène d’une espèce agressive ! Spécialiste du genre, nous lui devons déjà nombre d’autres téléfilms qui griffent, mordent ou piquent : RATS (2003), MOSQUITOMAN (2005), KRAKEN (2006), ou ICE SPIDERS (2007), tous titres évocateurs de diverses mutations étranges et malfaisantes. Il a par ailleurs dirigé plusieurs épisodes d’AU DELÀ DU RÉEL : L'AVENTURE CONTINUE (1995) et de INVASION PLANÈTE TERRE (1998).

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Côté distribution nous retrouvons Michael Shanks qui, après son rôle célèbre du Dr. Daniel Jackson de la franchise Stargate SG-1, s'est fréquemment égaré dans des films de seconde zone ou téléfilms sans grand intérêt (dont SWARMED de Paul Ziller – 2005, ou ARCTIC BLAST de Brian Trenchard-Smith - 2010) ; la belle de service est interprétée par Siri Baruc (L'ATTAQUE DES FOURMIS GÉANTES de Fred Olen Ray - 2005).

A son titre, on se doute que MEGA SNAKE tient du navet! Cela sonne à la manière de cette avalanche de mega nullités du style d’une de ces dernières moutures : MEGA PYTHON VS. GATOROID (Mary Lambert, 2011).

Le scénario est construit de bric et de broc ! Le film débute dans une ambiance pseudo fantastique avec une secte religieuse et ses excès ; manière peut-être de rappeler que depuis le Paradis et son serpent tentateur, l’ophidien sous toutes ses formes est considéré responsable de la chute de l’Homme, et camouflage du Diable. Explication de l’aversion qu’il inspire... Puis, avec l’exposition de la petite ville aux abords d’un parc naturel (ah… ces petites bourgades américaines et leur communauté représentative d’un ordre conservateur, déjà tant appréciés du western !), et présentation de son héros-gardien, nous passons dans l’écologie bouleversée… Enfin, avec l’arrivée dans la narration de l’Indien marchand de serpents, nous glissons encore vers autre chose : Faucon hurlant (Screaming Hawk) est celui qui sait l’Histoire, celui qui saura comment vaincre ; et il nous amène à une intéressante confrontation : le serpent des Chrétiens envahisseurs et celui des Indiens, protecteur. Face à face théologico-zoologique qui se termine bien sûr à l’avantage des WASP (white, anglo-saxon, protestant) avec l’aide du Cherokee passé du côté de l’économie libérale, ayant admis que le représentant des croyances de son peuple et de Dame nature était un obstacle au bon fonctionnement du commerce, donc du sien.

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C’est ainsi que nous pouvons déchiffrer le sous-texte du téléfilm. Il existe toujours autre chose sous les apparences du premier niveau. Vive l’inconscient, qu'il soit individuel ou collectif.

Pourtant, en dehors de cela, si le téléspectateur n’a pas envi de réfléchir (pour mâcher tranquillement sa pizza : c’est le film typique conçu pour ce genre de soirée entre copains) on s’amusera beaucoup ! Car les pérégrinations gastronomiques de ce serpent qu’on croyait disparu de l’écosystème, qui grandi de jours en jours (voir la créature extraterrestre de À DES MILLIONS DE KILOMÈTRES DE LA TERRE de Nathan Juran – 1957, qui chaque nuit double de taille) est finalement assez appétissante ! En fait chaque fois qu’il dévore, il prend de la taille ; jusqu’à dépasser les vingt mètres ! Pour avaler, elle avale, la bestiole : un chat, des poules, la mère du héros, une famille de campeur… et ce n’est que le début : scénariste et réalisateur s’en sont donnés à cœur joie ! Ce n’est plus un scénario, c’est un menu pour serpent gourmand… De ces outrances nait alors un film complètement loufoque (avec des personnages de débiles divers, un peu à la manière de ceux que Stephen King plante régulièrement dans ses campagnes du Maine). Cela s’achève dans une séquence délirante au cours de laquelle l’Unteka (c’est son nom vernaculaire) s’attaque à une fête foraine. Voir le monstre emprunter les méandres d’une montagne russe, s’offrir un face à face avec des autos tamponneuses ou un manège en forme de chenille géante pour finalement aller se perdre dans l’attraction dite « la mine fantôme », sorte de parcours de l’horreur, cela tient plus du prodige que de la catastrophe. En fin de compte : une daube, d’accord, mais fort digeste de par sa puissante dose d’humour décapant (que j’ai l’indulgence de croire volontaire…)

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Ah ! J’allais oublier… Coproduction américano-bulgare oblige, ces magnifiques décors du Tennessee sont tournés dans les alentours de Sofia, Bulgarie…

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1Adapté du roman de Daphnée du Maurier (nouvelle publiée en 1952 dans le recueil « Les Oiseaux et autres nouvelles » (The Birds and other Stories)

15 octobre 2012