Les voyages de Gulliver

(Gulliver's Travels)

 L'histoire

Lemuel Gulliver, modeste employé au service courrier d'un journal new-yorkais, rêve de devenir grand reporter. Après avoir menti pour se voir confier la rédaction d'un article sur le triangle des Bermudes, il fait naufrage et se réveille sur Lilliput, une terre mystérieuse peuplée d'êtres minuscules.

Dans ce nouveau monde fantastique, Gulliver est enfin un grand homme – en taille et en ego – surtout après avoir raconté des histoires dans lesquelles il s'attribue le mérite des plus grandes inventions du monde et se place au centre des événements historiques. Mais la fausse image qu'il se donne entraîne ses nouveaux amis vers une dangereuse bataille. Quand les choses tournent mal, Gulliver doit trouver d'urgence un moyen de réparer ses erreurs. Il va découvrir que la vraie grandeur est intérieure…

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Le petit mot du Doc

Voici une très libre relecture du roman "Les voyages de Gulliver", œuvre majeure de la carrière de l'irlandais Jonathan Swift, éditée pour la première fois en 1726, une époque où le monde n'avait pas encore été complètement exploré et où la possibilité d'une île peuplée d'êtres minuscules était encore concevable. Ce conte philosophique s'est au fil du temps transformé en conte pour enfant et se trouve aujourd'hui fortement ancré dans l'inconscient collectif (qui n'a pas en tête l'image de ce géant ligoté sur une plage ?) Il est mis en image pour la première fois en 1902 par le magicien Georges Méliès dans LE VOYAGE DE GULLIVER À LILLIPUT ET CHEZ LES GÉANTS, ce dernier trouvant en ce texte une occasion inespérée de servir les trucages cinématographiques dont il est friand. Ce sont encore des français - Albert Mourlan et Raymond Villette - qui en font une deuxième adaptation en 1923 dans le film muet GULLIVER CHEZ LES LILLIPUTIENS. Mais pour le cinéma de l'époque, montrer dans le même plan et faire interagir géants et lilliputiens relève du miracle. C'est alors au dessin animé de prendre la relève : d'abord avec Walt Disney qui abandonne son personnage fétiche sur l'île de Lilliput en 1934 dans MICKEY GULLIVER, puis avec Dave Fleischer, l'autre animateur de renom, quatre ans plus tard, dans LES VOYAGES DE GULLIVER. Il faut attendre 1960 pour qu'un géant de chair et d'os piétine à nouveau le sol de Lilliput : ce sera dans LES VOYAGES DE GULLIVER, adaptation de Jack Sher rendue possible grâce au génie du grand Ray Harryhausen, maître des effets spéciaux et du Stop Motion. A noter aussi la version de Peter R. Hunt en 1977 qui mélange dessin animé et scènes live et le téléfilm en 2 parties de 1996 de Charles Sturridge.

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C'est curieusement un spécialiste de l'animation qui a choisi de donner un bon coup de modernisme à cette histoire vieille de presque trois cent ans. Rob Letterman a en effet fait ses débuts avec le film d'animation GANG DE REQUINS pour lequel il était également crédité comme scénariste avant de réaliser et coécrire MONSTRES CONTRE ALIENS, le premier film d'animation de DreamWorks en 3D qui a connu un franc succès en salles.

Avant de devenir cette comédie familiale, l'aventure a commencé par un coup de téléphone du producteur John Davis à Jack Black, comédien éclectique et surprenant. Immédiatement, l'acteur a accepté d'être la vedette et même le producteur exécutif du film. Voix de Po dans le film d'animation KUNG FU PANDA et sa suite, Jack Black a souvent côtoyé les sommets du box-office : dans TONNERRE SOUS LES TROPIQUES, écrit et réalisé par Ben Stiller, aux côtés de Robert Downey Jr., Tom Cruise, Danny McBride et Matthew McConaughey, ou encore en 2005 dans le KING KONG de Peter Jackson. Sa prestation dans ROCK ACADEMY (2003) écrit par Mike White et réalisé par Richard Linklater, lui a valu d'être nommé au Golden Globe du meilleur acteur dans un film musical ou une comédie. Et en musique il s'y connait ! Au-delà de l'acteur, Jack Black est le leader du groupe satirique de rock-folk Tenacious D qu'il a créé avec son ami Kyle Gass. Leur album éponyme est sorti chez Epic Records à l'automne 2001 et a rapidement été disque d'or.

Après avoir brièvement envisagé de situer l'aventure sur une lointaine planète, scénaristes et producteurs ont décidé de faire voyager Gulliver à travers un "portail inter-dimensionnel" jusqu'à un monde alternatif réunissant à la fois des ingrédients modernes et anciens. Ce portail, situé en plein cœur du triangle des Bermudes, se caractérise par une immense tornade d'eau qui mène à Lilliput.

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Lemuel Gulliver travaille au service courrier d'un journal de renom. C'est un grand gamin qui a l'innocence du Geek et qui a du mal à affronter la vie adulte. Ses aventures commencent par un mensonge : en racontant des histoires à Darcy, rédactrice en chef dont il est secrètement amoureux, Gulliver l'a convaincue de l'envoyer au centre du triangle des Bermudes pour écrire un article. Là, une terrible tempête l'envoie sur les rives du nouveau monde. Raconter l'histoire de Gulliver sans la célèbre image d'un géant ligoté sur une plage était bien entendu inconcevable. Rob Letterman ne déroge pas à la règle et l'améliore même, non sans humour : commandés par le général Edward Edwardian, le chef des armées de Lilliput qui baptise péjorativement Gulliver "la bête", les lilliputiens traînent le géant jusqu'en ville. Entravé par un système de poulies et de câbles ils "pilotent" le new-yorkais comme ils le feraient d'un cheval de traie… tâche qu'il s'efforce d'accomplir du reste.

Son arrivée à Lilliput et son soudain statut de géant acquis, il prend confiance en lui et commence à se sentir important. Ici son complexe d'infériorité est balayé d'un revers de main. Il apporte aux lilliputiens le modernisme qu'il lui manque (à lui). Pas de home cinéma à Lilliput ? Qu'à cela ne tienne, il en crée un "grandeur nature" en montant des spectacles vivants avec lesquels il impressionne ses nouveaux hôtes sur sa vie et ses aventures en faisant rejouer les scènes clés de quelques films d'anthologie. S'enchaîne alors une suite de clins d'œil sympas tel celui fait à L'EMPIRE CONTRE-ATTAQUE1 où il raconte comment il a vaincu Dark Vador ou encore celui fait à TITANIC où il dit comment il a frôlé la mort dans les eaux glacées de l'Atlantique. Gulliver aide aussi un roturier à courtiser une princesse (Emily Blunt que l'on a vu dans L'AGENCE) et met en déroute à lui seul l'armada des ennemis des lilliputiens. Il devient le nouvel homme fort de l'île et s'attire l'inévitable jalousie d'Edwardian qui n'hésite pas à construire un robot géant (fait lui aussi de câbles, d'engrenages et de poulies) pour le combattre. A ce titre, le film regorge d'inventions toutes plus démentes les unes que les autres, à commencer par cette machine à café géante servie par les petits hommes…

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Vous l'avez compris, LES VOYAGES DE GULLIVER est une farce à réserver au jeune public. Pour les autres, reste un film distrayant parsemé de clins d'oeil plutôt bien vus et exécuté par des acteurs notoires qui semblent s'être bien amusés.

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1Tout au long du film un grand nombre de références sont faites à la saga STAR WARS. Peut-être parce qu'un bon nombre de techniciens employés sur le film a travaillé sur la prequelle de George Lucas? Reste que STAR WARS possède le merchandising idéal pour apposer l'image du Geek tel Gulliver.

04 avril 2013