Ghost in the Shell

(Kôkaku kidôtai)

 L'histoire

Nous sommes en 2029. Le major Kusanagi de la section 9, l’agence nationale de sécurité publique, a pour mission d’appréhender un mystérieux pirate informatique prénommé Puppet Master. Avec l’appui de ses collègues Batou et Ishikawa, Kusanagi part à la poursuite d’un éboueur aux activités suspectes sur le réseau mais celui-ci n’est qu’un pion du Puppet Master, sa mémoire a été reprogrammée. Peu après, une chaîne de fabrication est piratée et programmée pour assembler un robot. Celui-ci s’échappe mais il est heurté par un camion. En analysant la carcasse, la section 9 découvre qu’il possède contre toute attente un « ghost ». S’agirait-il du Puppet Master ?

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Le petit mot de Buck Banzai

A l’origine, GHOST IN THE SHELL est un manga de l'auteur japonais Masamume Shirow. Ce manga a d'abord été sérialisé au Japon dans Young Magazine d'avril 1989 à novembre 1990 avant d'être publié en un seul volume en 1990. Né en 1961, Masamume Shirow a dédié la plus grande partie de son œuvre à la science-fiction. Ghost In The Shell est son plus gros succès à ce jour mais Appleseed et Dominion, deux autres titres de sa bibliographie publiés respectivement en 1985 et 1986, ont gagné une relative popularité chez les amateurs français grâce à leurs adaptations animées distribuées en VHS puis en DVD dans la collection Manga Mania.

L'univers cyberpunk du manga Ghost In The Shell ainsi que son questionnement en sous-texte de la nature humaine ne pouvait que séduire le cinéaste Mamoru Oshii. Ce dernier, grande figure de l'animation japonaise depuis le début des années 80 et homme féru d'anticipation et de nouvelles technologies, avait démontré sa capacité à s'approprier les univers d'autres auteurs pour les transcender. Il l’avait notamment montré avec ses deux précédents films d'animation, PATLABOR et PATLABOR 2, thrillers high-tech passionnants sortis respectivement en 1989 et 1993.

A sa sortie en Novembre 1995, GHOST IN THE SHELL est encensé par la critique. Il est vrai qu’il est difficile de faire le moindre reproche à ce classique instantané du cinéma d’animation.

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Qu’est-ce que la conscience ? Qu’est-ce qu’un individu ? Qu’est-ce que l’humanité ? Ces questions philosophiques, classiques du genre SF, sont intelligemment soulevées et constituent le fil rouge d’un scénario captivant. La traque du mystérieux Puppet Master est pour Kusanagi, l’héroïne du film, l’occasion de remettre en question son état de simple machine manufacturée dont la seule propriété personnelle est son « ghost » (l’équivalent de la conscience pour les robots) et qui devra rendre, en cas de départ, son enveloppe cybernétique (le « shell ») à son employeur, la section 9, qui en reste propriétaire.

Comme à son habitude, Mamoru Oshii a particulièrement soigné les dialogues qui sont parsemés de références culturelles et de citations. La plus belle étant peut-être celle-ci : "Le corps et l’esprit sont constitués d’innombrables composants comme tout ce qui fait de moi ce que je suis, c’est-à-dire un individu avec une personnalité propre. J’ai un visage et une voix qui me différencient des autres, et mes pensées et mes souvenirs sont nés au gré de mes expériences et sont uniques. Et je porte au fond de moi mon propre destin. Tout cela n’est encore qu’un détail parce que je perçois et j’utilise des informations par centaines de milliers et tous ces phénomènes, en s’associant et se mélangeant, déterminent et construisent pas conscience."

Le film est également fort en symboles, parfois poétiques, mais toujours puissants. Ainsi, lors de sa réflexion sur son état d’individu, Kusanagi a l’occasion de fixer son esprit sur les mannequins inanimés d’une boutique de prêt-à-porter (symbole déjà présent dans BLADE RUNNER). Lors de la scène finale, un arbre généalogique gravé dans la roche, symbole de l’humanité et de la construction de la conscience, se voit pulvérisé.

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Si le fond est passionnant, la forme n’est pas en reste. Mamoru Oshii signe une réalisation classieuse alternant les scènes de dialogue, les séquences d’action et les passages purement contemplatifs avec une maîtrise à toute épreuve et un sens esthétique peu commun. L’animation est léchée et chaque plan semble avoir été réfléchi pour un maximum d’impact visuel et émotionnel.

Les qualités esthétiques du métrage sont magnifiées par la musique sublime de Kenji Kawai, compositeur japonais renommé ayant déjà travaillé avec Mamoru Oshii sur PATLABOR 2 et qui a signé de nombreuses autres bandes-originales pour des séries animées et des films de genre dont GANTZ ou encore DETECTIVE DEE II. En mariant avec brio les nappes synthétiques avec les chants et les instruments traditionnels japonais, Kenji Kawai sublime les images de Oshii et livre une des plus belles bandes-sons pour un film d’animation. Ce mariage de sonorités synthétiques et traditionnelles ainsi que la mélancolie qui s’en dégage rappelle par moments la bande-originale de BLADE RUNNER composée par Vangelis.

Enfin, cerise sur le gâteau, GHOST IN THE SHELL bénéficie d’un doublage français exceptionnel. Si l’animation japonaise n’a pas toujours été gâtée dans ce domaine, on peut dire ici que le doublage est à la hauteur de la réussite globale du métrage. On retrouve en effet la crème du doublage français avec Tania Torrens (voix de Sigourney Weaver), Daniel Beretta (voix d’Arnold Schwarzenegger) et Pascal Renwick (voix de Fred Ward).

Au final, GHOST IN THE SHELL constitue peut-être le film d’animation ultime dans le genre science-fiction. Il est à l’animé ce que BLADE RUNNER est au cinéma traditionnel, une réussite monumentale et toujours inégalée.

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En 2004, Mamoru Oshii a réalisé une suite intitulée INNOCENCE - GHOST IN THE SHELL 2. Encore plus ambitieux techniquement et scénaristiquement, ce second opus bien que brillant n’égale pas l’efficacité de son prédécesseur, notamment à cause de son caractère parfois pompeux.

En 2008, Mamoru Oshii a ressorti une version remaniée de GHOST IN THE SHELL intitulée GHOST IN THE SHELL 2.0. A la manière de George Lucas avec sa célèbre saga, Mamoru Oshii retouche son chef d’œuvre, forcément pour le pire, en modifiant la bande-son et en remplaçant certaines animations traditionnelles par de nouvelles animations numériques. L’œuvre s’en voit dénaturée, défigurée.

30 avril 2015