Le fils de Kong

(The Son of Kong)

 L'histoire

Carl Denham qui pensait faire fortune en ramenant Kong à New-York pour l'exposer aux yeux du public a du déchanter. Au lieu d'une fortune, il ne récupère que des ennuis. Les dégâts faits par le grand singe de l'île au Crâne et les nombreux morts qui suivirent son évasion, valent au réalisateur des poursuites judiciaires qui vont très prochainement le conduire en prison. Le capitaine Englehorn, également visé par la justice pour avoir ramené Kong à New-York dans les cales de son bateau, propose à Denham de s'enfuir et de démarrer une nouvelle vie loin de l'Amérique. Ayant rassemblé un nouvel équipage, ils mettent le cap sur le port de Dakang.

Là, Denham fait la connaissance de la belle Hilda, une jeune américaine qui se produit avec son père dans un genre de cabaret-cirque fauché. Le réalisateur déchu y retrouve également le fourbe capitaine Nils Helstrom, celui-là même qui avait fourni à Denham le plan de l'île au Crâne et qui, cette fois-ci, lui certifie qu'elle abrite un immense trésor. L'île n'étant qu'à 721 kilomètres de là et les affaires ne florissant point, décision est prise de partir en quête du trésor. En route, l'équipage découvre vite que le navire abrite un passager clandestin… en réalité, une passagère : après la mort de son père à la suite d'un incendie, Hilda, a décidé de partir coûte que coûte. Denham et Englehorn ne peuvent plus faire demi-tour. Hilda fera partie du voyage, tout comme Helstrom qu'elle soupçonne d'être l'assassin de son paternel.

A l'arrivée des côtes de l'île au Crâne, une mutinerie fomentée par Helstrom oblige Denham, Englehorn, Hilda, le cuisinier et Helstrom lui-même à débarquer sur une chaloupe. Rejetés par les indigènes pour lesquels ils ne sont pas les bienvenus, les cinq trouvent refuge dans une crique que surplombe la montagne. Au fil de leur exploration, Denham et Hilda découvrent un gorille géant qui pourrait bien être le rejeton de Kong. Celui-ci prisonnier des sables mouvants, ils décident de lui venir en aide…

Denham, Helstrom et Englehorn parlent d'un trésor - Le fils de Kong (The Son of Kong)
Denham, Helstrom et Englehorn parlent d'un trésor

Le petit mot du Doc

"J'aurais du le laisser sur son île …" (Carl Denham).

Avec le succès de KING KONG, une suite est inévitablement et immédiatement mise en chantier. Mais Merian C. Cooper qui imagine un film du même acabit, voire plus imposant encore, doit revoir ses prétentions. Non seulement on ne lui accorde qu'un budget de 250.000 dollars (alors qu'il vient pourtant de prendre la direction de la RKO), soit trois fois moins que celui de KING KONG, mais le projet doit être bouclé en neuf mois, là où trois années avaient été nécessaires pour produire l'œuvre précédente. L'objectif de distribuer le film pour Noël et de surfer sur le triomphe encore brûlant de KING KONG est évident.

Mutinerie - Le fils de Kong (The Son of Kong)
Mutinerie

Cooper se consacre à la production et délaisse cette fois-ci la seule direction à Ernest B. Schoedsack. Ruth Rose, qui avait rédigé l'essentiel du script de KING KONG, doit ici simplifier son propos. On conserve la même équipe technique et trois des acteurs principaux font leur retour : Robert Armstrong (Carl Denham), Frank Reicher (le capitaine Englehorn) et Victor Wong (le cuisiner). Helen Mack interprète Hilda Petersen, la jeune femme du film… car il faut une héroïne ! Pour éviter qu'une horde de fans s'agglutine autour du studio de tournage, on donne au projet le faux titre de "Jamboree". Les studios Pathé où ont été édifiés les décors de la jungle sauvage de KING KONG n'étant plus disponibles, il est décidé de tourner le plus possible en extérieur sur l'île de Catalina, au large de Los Angeles.

Willis O'Brien et son équipe se mettent tout de suite au travail. Mais, budget oblige, les effets spéciaux et les animations sont moindres et doivent être abrégés. De surcroit, O'Brien n'aime pas le script qu'il trouve trop infantile et ne rendant pas hommage au travail précédent. Dans l'esprit de la RKO, en sortant LE FILS DE KONG à Noël, il est clair que le studio vise un public plus jeune. Résultat, le père de King Kong se désintéresse du projet et ne souhaite pas apparaître au générique. En vain, son nom est vendeur ! L'animateur ne fera que survoler le travail exécuté par le reste de son équipe, en particulier par son assistant Buzz Gibson qui termine les séquences.

Un pansement pour le fils de Kong - Le fils de Kong (The Son of Kong)
Un pansement pour le fils de Kong

Concrètement, le manque de moyen et de temps se ressent sur la qualité finale du film. Là où, dès sont introduction, KING KONG se démarquait comme une grosse production, LE FILS DE KONG passe pour une sorte de serial typique des années trente, comme en atteste la présentation des personnages dans le générique. Là où KING KONG nous montrait des remparts immenses et des indigènes se livrant à une cérémonie peu catholique pour apaiser la colère du singe géant (rituel quasi de la trempe de ceux de TARZAN dans lesquels les porteurs étaient les premiers livrés aux cannibales et autres réducteurs de têtes), nous est ici présentée une simple poignée d'indigènes sortant d'un bosquet et qui demandent gentiment à nos naufragés de déguerpir.

Pourtant, le scénario n'est en soit pas mauvais. Le jeune Kong est réussi et les nécessaires combats animés par O'Brien et son équipe passent bien… malgré l'aspect "catch" (non je n'ai pas dit 'kitch' !) On regrette toutefois les faciès trop enfantins et les expressions parfois trop humaines du jeune gorille qui gâchent le mythe. Tout comme les gémissements de chimpanzés qui lui sont donnés. Et puis un final qui tombe comme un cheveu sur la soupe : l'île du Crâne qui, on imagine à cause d'un tremblement de Terre associé à un typhon, est engloutie en quelques minutes par les flots. S'il devait y avoir une suite, cela n'aurait pu être sur la préhistorique île !

Le fils de Kong - Le fils de Kong (The Son of Kong)
Le fils de Kong

Si les salles se remplissent dès les premières séances, le succès est éphémère et retombe vite. Normal, on est bien loin de la qualité de son prédécesseur, personne n'est dupe. Notons que LE FILS DE KONG s'ouvre facilement au thème de la rédemption et c'est à noter d'une pierre blanche. Dès le début du film Denham culpabilise : "J'aurais du le laisser sur son île …" dit-il. Sur l'île aussi, il n'hésite pas à venir en aide au rejeton de Kong à qui il a pris la vie de son père. Le gorille n'en est pas rancunier, et c'est bien une des qualités que possèdent les animaux sur l'Homme, puisqu'il donnera sa vie pour sauver celle du cinéaste…

03 janvier 2014