L'ennemi sans visage

(L'ennemi sans visage)

 L'histoire

Le professeur Artus, membre de l’Académie, Prix Nobel a qui la science doit quelques découvertes sensationnelles, oeuvre sur la passation de la vie à des automates. Pour conclure ses recherches, il doit expérimenter sur un être humain. Ce sera avec un condamné à mort, dont il veut transporter l’esprit vers son robot.

Le soir de l’opération, Arlette Pipo du Grand Journal -qui veut absolument obtenir une interview du savant- s’introduit dans la propriété. Impressionnée par les travaux du chercheur et écrivant aussi des scénarii de terreur, elle veut s’inspirer du chercheur… De crainte que par la présence de la journaliste les médias en apprennent trop (le savant avait déjà été impliqué dans une salle affaire), et surtout que ses collègues soient alors au courant de ses travaux "délicats" et ne tentent de les empêcher par jalousie et crainte du scandale, Artus accélère les choses…

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Mais la villa est pleine de personnages plus ou moins surprenants qui se promènent en tous sens. Il y a d’abord les deux fils du professeur : Tiburce, un médecin raté, hypocondriaque et ayant la hantise des microbes, et Maxime, joueur invétéré, lâche et alcoolique, désoeuvrés tous les deux. Puis Joseph, le chauffeur et maître d’hôtel, à l’aspect peu rassurant, et une infirmière, religieuse foldingue. Le cobaye, Jules Clarence, est (entre autres) un braqueur de banque et un tueur… importé des USA, apparemment plus laxistes que le Français quant à opérer sur des humains vivants !! Il est conduit par le sergent Franklin Herbert Ramshoe de "la police des États-Unis d’Amérique", apparemment débonnaire mais qui n’en est pas moins efficace. Dès le début d’ailleurs, il interceptera le tueur qui a compris ce qu’on veut lui faire subir et tente une évasion.

Le professeur fini par s’enfermer dans son laboratoire avec son sujet… Mais, quelques heures après, il est retrouvé mort ; la salle d’opération, totalement close de l’intérieur (un classique !), est dévastée, le corps du prof gît à côté de celui du truand anesthésié, et de l’automate… qui se redresse, assomme le maître d’hôtel et s’enfui…

Pour résoudre l’énigme, arrive l'inspecteur Wens. Avec l'aide de la jolie chroniqueuse, il va tenter de trouver le coupable ; et de récupérer la créature.

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Le petit mot de Francis SCHALL

Dans le genre de L'INVITÉ DE LA ONZIÈME HEURE de Maurice Cloche tourné l’année précédente (quoique ce dernier soit vraiment inscrit dans le genre de la science-fiction, avec labo futuriste et rayon de la mort), voici un film policier mâtiné d’anticipation, où on trouve également Jean Tissier. L'ENNEMI SANS VISAGE est tourné à la manière de beaucoup des films d’avant guerre, presque exclusivement en intérieur –du théâtre filmé. C’est le dernier film de Maurice Cammage (1892-1946) dont on peut retenir LES CINQ SOUS DE LAVARDERE (1939), adapté de Paul d'Ivoi (de son vrai nom Paul Deleutre), auteur un peu oublié aujourd'hui mais de son temps fort connu. Il publia la série des "Voyages excentriques" en 21 volumes, dans la veine des "Voyages extraordinaires de Jules Verne"... en beaucoup plus farfelus, délirants et abordant régulièrement des thèmes de l’anticipation (exemples : "Les semeurs de glace" (1903), "La course au radium" (1909), "L’aéroplane fantôme" (1910), "Les voleurs de foudre" (1912)). Maurice Cammage décédé pendant le tournage, c’est son assistant qui termina le film. Celui-ci, Robert-Paul Dagan est un assistant réalisateur et scénariste passé trois fois derrière la caméra –dont ici- sans en laisser réel souvenir. Notons qu’il était conseiller technique sur LE LOUP DES MALVENEUR de Guillaume Radot (1943), autre sujet de savant barjot, mais d’une toute autre tenue !

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L'ENNEMI SANS VISAGE est une étrangeté française qui, partant d'un thème de science-fiction, dérive très vite vers le cinéma policier, genre whodunit, avec demeure mystérieuse et chambre close. Couloirs interminables, escaliers en tous sens, passages secret, dans ce huit clos l’espace est plein de robots ou de fantômes… Il s’y passe tant de choses que le spectateur s’y perd vite. Mais s’en fiche finalement car les acteurs s’en donne à cœur joie… Ils sont gâtés par quelques dialogues succulents, sûrement issus du roman… Celui-ci est signé Stanilas-André Steeman. Surnommé par Jean Cocteau "le Fregoli du roman policier", il est le père du célèbre monsieur Wens, diminutif de Wenceslas Vorobeïtchik , personnage enquêtant un peu à la manière d’un Sherlock Holmes décontracté et plein d’humour dans plusieurs de ses romans et quatorze films et téléfilms (où il devient alors l’inspecteur Wens). Des classiques pour certains, tels Le dernier des six de Georges Lacombe (1941) et un chef-d'oeuvre en la matière "L’assassin habite au 21" d’Henri-Georges Clouzot (1942).

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On pourra reprocher deux choses à L'ENNEMI SANS VISAGE : sa longueur (100 minutes), due en particulier aux explications finale du héros, inévitables dans ce genre d’histoire à énigmes, semées de divers flash-back pour revoir diverses séquences ; et puis le fait qu’il n’est vraiment qu’accessoirement de la science-fiction. Mélange de cinéma commercial de l’immédiat après guerre et de trouvailles dans les textes, il en enchantera certain(e)s et en agacera assurément d’autres…

Francis Schall

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1 « Ce n’est pas un nom ça ! C’est un buisson d’épine ! », s’exclame le sergent Ramshoe.

31 mai 2012