Die, Monster, Die!

(Die, Monster, Die!)

 L'histoire

Stephen Reinhart, un étudiant américain, se rend dans le village d'Arkham, en Angleterre, pour retrouver son amie Susan Witley. Il a rencontré celle-ci en fac de science, aux Etats-Unis, et ils se sont fiancés. Au village, le simple nom de Witley crée la répulsion chez les habitants et tous refusent de conduire Stephen à destination. Le jeune homme est obligé d’aller à pied au château. Traversant un paysage sinistre, il arrive sur une lande désolée, complètement calcinée, au milieu de laquelle il découvre une énorme cavité…

Parvenu dans la demeure des Witley il y fait la connaissance du maître des lieux, Nahum Witley, le père de Susan, qui lui enjoint brutalement de quitter sa résidence. Mais Susan arrive, et ravie de voir son ami, contrarie les volontés du vieil homme en fauteuil roulant. Susan apprend à Stephen que sa mère est très malade, mais lui propose d’aller la saluer. Accueillante, Mme Witley reste néanmoins dissimulée derrière les rideaux de son lit…

Ce n’est pas le seul étrange comportement, ni inquiétant phénomène que Stephen remarque très vite… Il soupçonne qu'un terrible secret pèse sur ce château. Et puis… d'où viennent ces cris qui déchirent la nuit ? Et quelle est la source de cette singulière lumière qui baigne la serre au fond du jardin, dès que le jour tombe ? Et que sont ces plantes, autour de la demeure, d'une taille impressionnante qui semblent animées d’une vie propre ?

Stephen comprend que cela a un rapport direct avec ce qui est au fond de l’énorme excavation croisée sur son chemin. La marque de l’impact d’une météorite, qui percuta la Terre, quelques années auparavant…

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Le petit mot de Francis SCHALL

Nombreux sont ceux qui ont été tentés par l'adaptation au cinéma de l'oeuvre de Howard Phillips Lovecraft (1890-1937). On recense quatre-vingt seize films. Peu pourtant sont parvenus à obtenir un résultat convainquant, en tout cas fidèle à l'un des pères fondateurs du fantastique moderne. Bien souvent, il s'agit plus d'inspiration que d'adaptation à proprement parler… Exemple, la première apparition d’un de ses textes à l’écran sera LA MALEDICTION D’ARKHAM de 1963, d’après "L’affaire Charles Dexter Ward", Le film est réalisé par Roger Corman, mais celui-ci est encore trop influencé par les cinq films qu’il vient de tourner en trois ans en portant les nouvelles d’Edgar Allan Poe à l’écran. D’ailleurs le générique de LA MALEDICTION D’ARKHAM affirme, en plus de Lovecraft, être inspiré par un poème de Poe. Mais on aura remarqué, au fil de ces longs-métrages, le très beau travail du directeur artistique, Daniel Haller. Si l’univers de l’auteur de la "Chute de la maison Usher" est parfaitement rendu, les décors gothiques, les splendides couleurs et le cinémascope conservés pour LA MALEDICTION D’ARKHAM, ont bien du mal à restituer les effrois cosmiques de Lovecraft...

C’est donc un spécialiste des images et des décors, Daniel Haller, qui va s’attaquer à la première véritable et exclusive mise en images de celui qu’on nomma le maître de Providence, sa ville natale, son havre, DIE, MONSTER, DIE ! La nouvelle choisie s’intitule "La couleur tombée du ciel" (The color out of space) et date de 1927.

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Curiosité : le film commence par un hommage aux créateurs du cinéma (les frères Lumières) et un premier plan digne de L’entrée d’un train en gare... Sauf que c’est celle d’Arkham et non de La Ciotat ! Arkham, nom indissociable de celui de son créateur. Malheureusement, on ne retrouvera pas ici grand chose des ambiances et des thèmes de Lovecraft… Daniel Haller et son scénariste Jerry Sohl prennent de nombreuses libertés avec son texte, transposant l’emplacement de la mythique ville d’Arkham de Nouvelle Angleterre en Albion, transformant le paysan central de l’écrit en aristocrate et la pauvre ferme en manoir colossal ; et ajoutant le jeune couple et l’utilisation du météorite par un chercheur amateur (alors que dans la nouvelle, le météorite n’avait besoin d’aucune aide pour faire ses sinistres ravages !). Pourtant, l’idée générale, l’objet venu de l’espace qui transforme son environnement terrien, reste présente.

A considérer le film comme un film d’épouvante, il est parfait. Constatons qu’entre le travail de certains américains (Corman en tête) et les films anglais des années 50 à 70 nous avons, dirais-je, l’apparition d’un nouveau sous-genre que je qualifierai de science-fiction d’épouvante, avec un sous-sous-genre de science-fiction Gothic… Quoiqu’il en soit, le travail sur l’ambiance mystérieuse puis d’angoisse est excellemment accompli. En particulier grâce à un montage alterné tiré au cordeau. Le lieu unique, mais constitué de couloirs, d’escaliers, de passages, de sous-sol, et d’un parc baigné de brouillards avec des serres au contenu délétère, est un cadre impressionnant. Six personnages dans cette demeure, séparés souvent, vers des tâches ou des recherches précises, le passage des uns aux autres installant un rythme sans faille. On appréciera également le travail de la caméra, l’utilisation brillante et intelligente de l’espace du scope, et des décors et des couleurs souvent magnifiques !

Boris Karloff trouve là un très beau rôle, même si la plupart du temps en fauteuil roulant, ce qu’imposait son état de santé d’alors. DIE, MONSTER, DIE ! est un de ses derniers films : il est décédé le 03 février 1969 ; il ne tournera plus que neuf film entre 1966 et 1968, dont une autre adaptation de Lovecraft, LA MAISON ENSORCELEE de Vernon Sewell.

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Notons que Daniel Haller a travaillé comme directeur artistique sur quelques joyeux nanars (WAR OF THE SATELLITES – 1958, L'ATTAQUE DES SANGSUES GEANTES et THE ATOMIC SUBMARINE – 1959, THE WASP WOMAN – 1959) avant de s’imposer avec les films Poe-Corman cités plus haut. Il se cantonnera ensuite dans les séries TV : LE SIXIEME SENS (1972), GALACTICA (1978-1979), BUCK ROGERS AU XXVe SIECLE (1979-1981), tournera le pilote et de nombreux épisodes de K2000 (1982-1986), MANIMAL (1983) et TONNERRE MECANIQUE (1985).

D’autres films sont adaptés ou inspiré de "La couleur tombée du ciel" : CREEPSHOW (1982) de George Romero, où Stephen King interprète un personnage de paysan bien plus proche du texte que l’aristocrate de DIE, MONSTER, DIE !, LA MALEDICTION CELESTE (1987) de David Keith, MORTUARY (2005) de Tobe Hooper, film très moyen mais dont le scénario est très proche de celle du texte et beaucoup plus proche que beaucoup d'autres adaptations de l’auteur, et COLOUR FROM THE DARK (2008) de Ivan Zuccon, italien déjà créateur de deux films vaguement inspirés de Lovecraft, à la réputation hasardeuse et tourné direct-to-video : UNKNOWN BEYOND (2001) et THE SHUNNED HOUSE (2003).

Autour de 2010-2012, pas moins de six films sont en attente abordant l'univers de Lovecraft : HOUSE OF RE-ANIMATOR, produit par Brian Yuzna, THE CURSE OF YIG de Paul von Stoetzel, THE WHISPERER IN DARKNESS de Sean Branney avec Stephen Blackehart et Lance J. Holt, PICKMAN's MUSE de Robert Cappelletto (inspiré de "Haunter of the Dark"), THE SILVER KEY de Gary Fierro et Conor Timmis sorti aux USA le 1er janvier 2010. Et bien sûr, le très attendu AT THE MOUNTAINS OF MADNESS de Guillermo del Torro.

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A première vue, DIE, MONSTER, DIE ! a plus l’apparence d’un classique film d'épouvante gothique, c’est pourtant un vrai film de science-fiction également. De cette science-fiction rare qui nous ouvre aux mystères et aux angoisses de l’univers… C’est aussi un vrai bijou d’esthétisme, malgré son petit budget.