La créature de la mer hantée

(Creature from the Haunted Sea)

Sparks Moran, agent secret XK150, embarque avec un quartet de choc (Mary-Belle, une poule de gangster, Jack le Joyeux, meurtrier notoire, Pete Jr, homme de main et Renzo Capetto, cerveau du gang) à bord d'un navire transportant des soldats cubains et un coffre rempli d'or. Alors que les cubains disparaissent un à un, une mystérieuse créature attaque l'équipage…

Le petit mot du Doc

Aux commandes de LA CREATURE DE LA MER HANTEE, Roger Corman. On connaît le réalisateur / producteur pour ses capacités à tourner un film en deux temps, trois mouvements et à s'adapter aux désirs du public. Il n'aura fallu qu'une semaine pour mettre celui-ci en boite et sans doute l'inspiration de L'ETRANGE CREATURE DU LAC NOIR (1954) pour cette histoire de monstre aquatique.

Corman a touché à tous les styles : films d'aventure, westerns, science-fiction, policiers. Mais ces années cinquante, comme en témoignent des films comme THE BEAST WITH 1.000.000 EYES (1955), LE PEUPLE DE L'ENFER (1956), THE MONSTER FROM GREEN HELL (1958), LA MOUCHE NOIRE (1958) ou d'autre encore de Roger Corman : THE DAY THE WORLD ENDED (1956), IT CONQUERED THE WORLD (1956), L'ATTAQUE DES CRABES GEANTS (1957) sont le règne du Monster Movie. Cependant, avec LA CREATURE DE LA MER HANTEE, Corman s'essaye à un mélange des genres. Car le film mêle allègrement espionnage, aventures, film de gangster et de science-fiction tout en s'adonnant sans relâche à la comédie.

D'une manière inattendue, c'est d'ailleurs du mariage du film d'aventure et d'espionnage dont relève le début du métrage. Un récent coup d'Etat vient chasser la junte militaire de l'île de Cuba. Accompagné d'une petite troupe de soldats, le général Tostada loue le yatch de Renzo Capetto pour quitter l'île et sauvegarder son précieux chargement : un énorme coffre renfermant quelques kilos d'or appartenant au peuple cubain. Aventurier américain d'origine sicilienne, Renzo Capetto tient plus du gangster que de l'homme de foi. Avec l'aide de son équipage peu recommandable, il est bien décidé à mettre la main sur le magot. Usant d'un grand stratagème, il met en scène une histoire de monstre marin et fait d'un soldat cubain sa première victime. Mais ce que personne ne sait encore, au-delà de cette histoire inventée, c'est qu'un véritable et abominable (c'est peu dire !) monstre marin sévit bel et bien !

Corman nous présente les personnages. Avec son look à la Humphrey Bogart, Renzo Capetto est le type même du gangster chic. Sa "poule", Mary-Belle Monahan, n'a d'yeux que pour l'argent et la vie facile. Parmi l'équipage de flibustiers, Jack Monahan "le Joyeux", le jeune frère de Mary-Belle et Pete Peterson Jr., une petite frappe qui passe son temps à imiter les cris des animaux. Enfin, toute cette petite équipe est sous la surveillance discrète de l'agent des renseignements américain XK150. Sparks Moran de son véritable nom, a réussi à se faire engager en se faisant passer pour un célèbre braqueur de Chicago… et il en pince pour Mary-Belle à laquelle il n'hésite pas à lui faire ses avances.

Si le film démarre comme un véritable film d'espionnage, sur un ton très sérieux à la manière des films noirs des années quarante, il vire petit à petit dans la comédie pour terminer dans le burlesque le plus pur ! Bien que le générique d'introduction ait pu mettre la puce à l'oreille, l'on comprend ce doux changement de direction lorsque le narrateur (qui n'est autre que Sparks Moran) énumère de la manière la plus sérieuse qui soit la longue série de pseudonymes connus de Renzo Capetto ; à savoir : Capo Rosetto, Ratto Pazetti, Zeppo Staccato ou encore Shirley Lamour ! Pire, lorsque ce même narrateur explique que pendant la guerre Capetto a été renvoyé par la Royal Navy, les Marines et les SS !

Avec ce sentiment premier de ne pas savoir si c'est du lard ou du cochon, on appréciera d'autant le film qu'il ne rate pas une occasion de s'amuser sérieusement… pour commencer. Car la fin devient du vrai n'importe quoi avec l'arrivée de plusieurs personnages féminins qui s'amourachent de nos flibustiers et espions, ce qui vaut quelques quiproquos et scènes rocambolesques.

Et le monstre alors ? Finalement celui-ci n'est la que pour égayer un peu le film et son apparition est bien tardive. D'ailleurs on aurait presque envie de dire "tant mieux" tant son look est cheap ! Imaginez une momie (ou un homme des sables) avec 2 balles de ping-pong à la place des yeux qui aurait passé des journées entières à moisir sous l'eau ! Tout en guenilles, ce monstre de la mer hantée porte forcément à rire. Voila comment concilier humour et petit budget.