2001 : l'odyssée de l'espace
(2001: A Space Odyssey)
La critique de Madcomputer
14 novembre 1999
1- HAL 9000 et l'intelligence artificielle.
La scène de la mort de l'ordinateur HAL9000 constitue sans aucun doute la scène la plus poignante de 2001. Kubrick y réussit à nous émouvoir devant l'agonie d'une machine, entité à laquelle il est plutôt difficile de s'identifier pour le spectateur de par son aspect froid et justement, inhumain. Cependant l'ordinateur devient un protagoniste à part entière dans l'histoire, le plus important sans doute et ceci grâce à plusieurs éléments : Sa lentille -caméra, l'aspect extérieur de Hal, qui fait inévitablement penser à un oil, par lequel le spectateur sonde les sentiments de la machine. Sa voix monocorde et androgyne qui avec ses réponses convenues maintient le moral des astronautes en assurant un semblant de conversation avec eux. Ses sentiments et états-d'esprit qui se développent au film du film. Dans ses premières apparitions, Hal se révèle être un ordinateur zélé, dévoué au but de la mission, et surtout très vaniteux. Ce dernier trait de caractère, propre à l'homme, transparaît surtout lors de l'interview accordée à la BBC. Hal y affirme être parfait, incapable de la moindre erreur et ne pas ressentir de frustration quand à son asservissement aux humains. La question que pose Hal à Dave à propos de son opinion sur mission est le point de départ de l'affrontement implicite puis bien réel entre les astronautes et la machine. Hal reçoit une réponse plutôt brusque et, comme pour se venger, simule une panne dans l'antenne de l'astronef. Sa prévision se révélant erronée, Hal se justifie en invoquant une erreur humaine lors de sa programmation. Un autre sentiment apparaît alors chez Hal lorsqu'il surprend les deux astronautes à évoquer sa déconnexion : la paranoïa. Une paranoïa destructrice qui le mènera jusqu'à l'homicide des astronautes hibernés et de Franck Poole. Quelles sont les raisons qui ont poussé un ordinateur, entité rationnelle et logique à l'assassinat ? Hal a peut-être tué les astronautes, car comme il le prétend, ils mettaient en cause le bon déroulement par leur volonté commune de le déconnecter. Sa décision serait donc réfléchie. Mais peut-être est-ce pour s'affranchir de la domination et de l'autorité de ses créateurs que Hal engage l'affrontement ou par jalousie quand à des être réellement pensants et autonomes. Peut-être la folie s'est elle immiscée dans son cerveau électronique ou que, menacé, Hal a choisi de tuer avant d'être tué, son acte serait donc la manifestation d'un instinct de survie. Loin d'être parfait, l'ordinateur apparaît donc comme le reflet de l'âme humaine avec ses travers, ses obsessions et le même instinct de destruction qui a perduré à travers les siècles. Kubrick, par cette brillante métaphore met en garde le spectateur contre les dangers de la technologie et de l'intelligence artificielle, thème souvent illustré par le cinéma de science-fiction.
2 -Le monolithe et l'évolution
2001, l'odyssée de l'espace est indissociable du monolithe, objet de nombreuses interrogations quand à son interprétation, notamment à cause de ses proportions parfaites (1x4x9 = 1²x2²x3²) et de la symétrie céleste qui entoure ses apparitions . Certains lui ont attribués une substance divine, d'autres émettent l'hypothèse qu'il s'agirait d'une manifestation extraterrestre. Quelques soient sa nature ou son origine, cet objet récurrent semble être dispensateur de vie et d'évolution à l'espèce humaine. Au début du film, deux tribus d'anthropoïdes s'affrontent pour la possession d'un point d'eau. Puis le monolithe apparaît alors qu'une seule des deux tribus est présente. L'un de ces hommes singes va alors s'éveiller à l'intelligence sous l'influence du monolithe en apprenant à saisir un os et à en frapper le sol. Grâce à ce progrès, la tribu « Elue » dominera un environnement hostile et ainsi pourra se nourrir sans difficultés. Le monolithe a crée un point de séparation dans l'espèce en ne dispensant ce progrès qu'à une tribu. La tribu « Elue » formera désormais l'espèce humaine tandis que l'autre au mieux restera sous sa forme de primates au pire s'éteindra faute de nourriture. Il est intéressant de constater qu'immédiatement après son ascension intellectuelle l'homme concrétise sa supériorité par une manifestation primaire de violence sur ses anciens congénères. Kubrick met ainsi en avant l'instinct de destruction propre à l'homme qui perdurera jusqu'à Hal, prolongement cybernétique du cerveau humain dans son quadruple homicide. On constate que si le corps de l'homme a changé, devenant plus puissant, plus polyvalent, c'est pour servir les mêmes obsessions, héritées de la nuit des temps : dominer et détruire. Le voyage à bord du Discovery constitue une autre étape de son évolution, David Bowman étant « l'élu », premier représentant d'une nouvelle espèce supérieure à l'homme. Le fait qu'il ait triomphé de Hal qui symbolise la conscience humaine marque ! là aussi une séparation dans l'espèce humaine : les hommes ! vont continuer à s'entretuer tandis que Bowman atteint une forme de vie supérieure. Il subit tout d'abord un vieillissement accéléré puis comme précédemment avec les singes se « transforme » devant le monolithe. Cette fois-ci c'est l'enveloppe corporelle qui se modifie. Bowman revient sur terre sous forme fotale, symbole de l'innocence. Le nouvel homme aurait délaissé son instinct de destruction pour une forme de vie pacifique.
