Irvin Kershner

04.12.2010

FLFS : Parlez-nous de vos premiers films.

IK : J'ai réalisé THE LUCK OF GINGER COFFEY, LOVING, LE MAL DE VIVRE, LE RETOUR D'UN HOMME NOMME CHEVAL - c'était un petit film, tourné au Mexique. Ces films que je chéris, que j'estime, je sentais qu'ils représentaient ce que je ressentais, et un film c'est de l'émotion. Les meilleurs films font passer les émotions les plus fortes.

FLFS : Ne pensez vous pas qu'après L'EMPIRE CONTRE-ATTAQUE vous deviez faire plus de blockbusters ?

IK : J'ai commencé à vraiment détester la violence. Je n'aime pas les armes à feu, je n'aime pas les poursuites de voitures, je n'aime pas ce genre de choses. Il y a d'autres manières de faire du cinéma.

FLFS : Dans la revue française Positif, en 1973, vous avez dit "Je ne veux plus diriger ni film de guerre ni de western qui sont violents". Pourquoi avez-vous alors choisi de réaliser ROBOCOP 2 (1990) ? C'est le summum de la violence !

IK : La réponse est toute simple. J'essayais de créer un film que j'avais écrit sur Puccini. Pendant dix-huit ans j'ai fait du porte à porte et proposé ce projet aux studios et aux producteurs mais je n'ai trouvé personne. J'avais une famille à nourrir et soudain j'avais besoin d'argent. Maintenant à Hollywood, ou vous faites beaucoup d'argent, ou vous ne faites rien. Et lorsque vous ne faites rien, vous ne pouvez pas vivre. Alors que faire ? Je devais trouver quelque chose. Un ami à United Artists m'a parlé d'un film qu'un réalisateur n'avait pu mener à terme. Il avait gâché une année de travail. La sortie du film était déjà programmée et il m'a demandé de le réaliser. Je n'aime pas Robocop, je n'aime pas ce genre de film. Il m'a dit "garde cela pour toi, fais-en ton film, car nous devons le réaliser et je pense que tu es le mieux placé pour cela". Alors j'ai jeté un oeil au script -- le scénario était terrible, que de la violence -- et je l'ai jeté ; et puis j'ai trouvé un thème que je pouvais y exprimer et j'ai finalement réalisé ce film. C'était un boulot purement commercial.

FLFS : A propos de la violence : est ce que le fait que vous ayez servi dans l'Air Force pendant la Deuxième guerre mondiale vous a affecté ?

IK : Peut-être mais je n'aime tout simplement pas la violence. Je pense que ce film [ROBOCOP 2] à un potentiel médiatique énorme et s'en servir uniquement pour montrer de l'action, je trouve cela stupide. A l'âge d'or des Studios d'Hollywood, ils ont fait des films merveilleux, ils ont vraiment écrit de belles histoires. Maintenant ils n'essaient même plus, ils disent simplement "Qui va au cinéma ? Qui va voir des films toutes les semaines ? …les ados de 16 ans et de 19 ans. Ok ! Nous allons faire des films pour eux. Est-ce que les personnes plus âgées y vont ? Non, ils restent devant leurs postes de télévision". Vous voyez, nous faisons cela pour les jeunes. Et alors vous obtenez des SPIDER-MAN, SUPERMAN et tout ces films qui emploient des stars pour que cela soit vendeur et ils dépensent beaucoup d'argent. Au départ j'aurais pu faire mon film sur Puccini pour à peu près trois millions de dollars. Plus tard le budget est monté à dix millions de dollars, et ensuite à quinze millions pour faire le même film. L'inflation gagnant je n'ai jamais réussi à trouver de financement.

FLFS : Avez-vous essayé de trouver des partenaires en Europe ?

IK : J'ai failli trouver l'argent en Allemagne, mais cela à condition que je tourne là-bas. Mais le producteur, qui était quasiment parvenu à monter le projet de financement à partir de multiples sources, est décédé sans que l'on puisse découvrir ces sources. Mais je n'ai pas obtenu d'argent d'Amérique.

FLFS : Maintenant que George Lucas en a terminé avec sa saga, et comme il est un amateur de documentaire et que vous aimez les documentaires, pourquoi ne lui demandez vous pas de produire Puccini ?

IK : Il ne le fera pas. Il n'aime pas l'opéra. Vous voyez, George Lucas adore s'adresser au plus grand nombre de spectateurs car il pense que ses films vont faire beaucoup d'argent. Il y a beaucoup de films qui pourraient s'adresser à une minorité. Tout le monde ne les aimerait pas mais ils s'adresseraient à ceux qui aiment la musique, à ceux qui aiment la danse. Il devrait y avoir des films pour tous les genres de public, des films que vous pourriez faire pour bien moins cher.

FLFS : Il a pourtant dit que maintenant il pouvait faire ce qui lui plaisait.

IK : Ne le croyez pas ! Ne le croyez pas !! (rire !)

FLFS : Vous nous avez parlé de votre carrière en ce qui concerne les documentaires, aimeriez vous ajouter autre chose à ce propos, à propos de ce que vous aimez faire ?

IK : Oui, je continue à travailler sur quelques idées de documentaires mais vous savez, faire un documentaire représente beaucoup de travail, car vous n'obtenez pas beaucoup d'aide, vous devez vous débrouiller tout seul et j'ai atteint un âge où j'ai d'autres points d'intérêt. Je suis revenu à la photographie maintenant. Je retourne à New York et je présente une grande exposition de mon travail. Je suis aussi en train de préparer une autre exposition à Los Angeles.

FLFS : Que pensez-vous des documentaires de Michael Moore ?

IK : Michael Moore est formidable. Il a derrière lui une grosse logistique, une armée d'avocats qui vérifient tout, des gens qui font des recherches pour lui. Ses documentaires lui ont permis de monter une telle organisation. Il fait les choses superbement.

FLFS : Il a gagné la Palme d'Or au Festival de Cannes l'année dernière.

IK : Oui, il a été surpris, il a été très surpris.

FLFS : Allez vous a Cannes cette années ?

IK : Non, je n'y vais plus. Pourquoi faire ?

FLFS : Pour voir le film de Tommy Lee Jones peut-être ? [L'acteur recevra le Prix d’Interprétation Masculine au Festival de Cannes 2005 pour TROIS ENTERREMENTS, un film qu'il a lui-même réalisé.]

IK : Oui, j'ai vu le film. Tous les ans je fais des festivals. Je reviens de Sibérie… J'ai vu tous les meilleurs films européens dans ces festivals, alors pourquoi irais-je à Cannes ?


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